Le tripode a toujours eu à cœur de publier des récits singuliers, poétiques et il nous enchante une nouvelle fois avec un conte pour adulte fait de plumes et de sang...

Nous sommes à Kangoq, un village hors du temps près d’une forêt, et les habitants sont en émoi car on vient de découvrir le corps de Peau de sang, suspendu à un crochet aux côtés d’autres animaux écorchés.

« Longtemps, j’ai enseigné ma fin… »

La voix de la défunte remonte alors le fil du temps, un an plus tôt : il était une fois une brodeuse, une plumeuse d’oies, une dépeceuse de bêtes. Peau de sang vit au milieu des carcasses d’animaux et tient son surnom de ses mains souvent teintées de rouge. Mais sous son tablier taché de sang se cache des trésors de broderie et une peau de femme, douce, qui affole les hommes du village. Qu’ils soient fermiers ou notables, tous viennent dans sa boutique acheter ses charmes et Peau de sang sait instinctivement incarner chacun de leurs fantasmes (et ils sont parfois bien singuliers !). Elle se présente à nous comme la « polyglotte des désirs des hommes » et se donne à eux sans jugement, apaisant temporairement leur violence et leur frustration.

Sa générosité sensuelle, elle la met également au service des femmes du village : elle initie les jeunes filles aux secrets de leurs corps, leur apprend à être moins ingénues et les encourage à explorer par elle-même « la dentelle de leur sexe ». Elle livre ses conseils aux épouses esseulées pour qu’elles trouvent ce qui les fait jouir et s’affirment dans le lit conjugal.

Elle est ainsi comme un point d’équilibre au sein de cette communauté.

Mais au fil des saisons, une trame fatale se tisse, inévitable.
Car Peau de Sang est trop libre. Indifférente aux conventions sociale. Elle se donne mais refuse d’être possédée. Peut-elle être louve parmi les loups ?
Qui y-a-t-il de moins acceptable que la liberté, la résistance d’une femme à qui veut la dominer ?

Laissez-vous ensorceler par ce conte de fée noire et son héroïne un peu sorcière. L’atmosphère de ce roman est envoutante, à la fois sensuelle et inquiétante. Le récit est presque incantatoire : pas de majuscules, ni de point, on est tout de suite plongé dans une polyphonie de voix, ce qui peut dérouter aux premières pages mais on se laisse très vite bercer par cette musique. Ces voix formant comme un chœur antique donnent leur point de vue intime comme autant de miroirs, d’incarnations de la féminité.

L’écriture d’Audrey Wilhelmy est une splendeur, tissée de mots anciens, de métaphores invoquant les contes de Grimm et d’Angéla Carter. C’est à la foi poétique et… furieusement érotique !
Poussez la porte de la cabane, Peau de sang vous attend. Belle, belle, belle…

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Un coup de cœur de Laurie